Découvrir “La part des nuages”

Lecture présentée par Gaëlle Vigné – 25 mars 2021

Vinau, Thomas (2017). La part des nuages. Paris, France : 10-18. 116 p.

Mots-clés :
Itinérance du quotidien – Suivre les nuages – Enchevêtrement de déséquilibres équilibrés – Attention aux riens qui font un tout – L’insensibilité par le sensible

Argument principal

La part des nuages est un livre du percevoir, du sentir, du regarder, un livre des éléments, de la pluie, du ciel, de la terre, du vent, mais aussi et surtout du corps. C’est une ode au vivant, à l’observation et à la description des sensorialités terrestres, un livre philosophique et poétique du fait quotidien où une parenthèse de vie s’ouvre pour absorber une discontinuité.
Ici, c’est l’histoire d’un papa, Joseph 37 ans, et de son fils Noé qui lui tient la tête hors de l’eau après que sa femme l’ait quitté. Noé part pour la première fois une semaine chez maman, en garde alternée, et Joseph ne respire plus. Nous partons alors avec Joseph pour une semaine d’expériences sensibles et corporelles, en plongeant dans le monde, dans l’être là, dans un habiter du quotidien dans lequel Joseph se débat. Ou pas.
C’est une aventure du quotidien, la quotidienneté d’aventures humaines, de parcours de vie, qui fait apparaître le rôle, la mécanique des sens. Ces sens qui cadencent, qui rythment chaque instant, leurs débuts et leurs fins, leurs passages d’une étape à une autre, comme une forme de saisonnalité des sens. Il y a à chaque page un état du présent, de la présence du corps en tant que vecteur de perceptions d’un soi, d’un tout.

Intérêt pour la recherche Senbilia

Thomas Vinau, par son récit d’étapes, de trajectoires, de cheminements, approche une forme poétique d’être au monde par la sensorialité, ses portes fermées et ses fenêtres ouvertes, ses volets parfois clos où l’extérieur pénètre encore par les persiennes. Quelques notes :

• Le déchirement, la fissure de l’être ou plus directement la stupeur : cet espace-temps où quelque chose arrête notre perception du monde, change notre focal de regard sur celui-ci, étire nos habitudes, rend élastique le sensible = décentrage, décalage
• La parenthèse qui s’ouvre, l’état des lieux, l’inventaire des expériences constitutives et constituées socialement, d’une interrelation sensible = passage
• Les tentatives de rééducation, de reconnexion, du recoudre avec soi, avec l’autre, avec ce qui nous entoure, dans les gestes, l’orientation du regard, les sensations corporelles, le mouvement, l’aventure quotidienne = chemin
• La présence, l’être là sensible, les formes de présence pour (co)habiter le monde = résonance
• Épicentre de gravité du corps = le sensoriel

Limites et critiques

Il est relaté ici une expérience sensible romancée, qui offre des ouvertures de réflexion, une réverbération de pensées sur les sujets de trajectoires sensibles, de cheminements d’être au monde, mais demeure stylistiquement travaillée poétiquement. Quelle place la lecture poétique du vécu, de l’environnement, le récit d’expériences romanesques peuvent-ils disposer dans une recherche scientifique si ce n’est de participer à un accompagnement réflexif ? A quoi relier, mettre en résonance la matière brut sensorielle en considérant la densité de ce qui compose un être là ? Comment considérer l’instinctif ?

Autres références citées

Muir, John (2020). Préserver les solitudes: parcs et forêts de l’Ouest sauvage.

Paquot, Thierry (2020). L’Amérique verte: portraits d’amoureux de la nature.

Stiegler, Barbara (2019). « Il faut s’adapter »: sur un nouvel impératif politique. Paris : Gallimard. 336 p. NRF essais.

Le Breton, David (2006). La Saveur du Monde, Une anthropologie des sens. Paris : Métailié. 456 p.

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