Découvrir “Materials against materiality”

Lecture présentée par Marc Higgin – 23 février 2021

Ingold, T. (2007). Materials against materiality. Archaeological Dialogues,14(1), 1-16.

Mots-clés :
materials; landscape; artefacts; perception; agency; flux

Argument principal

Ingold commence par une provocation : pourquoi, dans la littérature toujours croissante sur la matérialité de la vie sociale, semble-t-il n’y avoir presque rien à dire sur les matériaux eux-mêmes. L’argument qu’il poursuit est que le concept de matérialité cache un profond désintérêt et une indifférence pour le monde dans la façon dont il est réellement vécu par les gens du monde entier. Cette indifférence trouve ses racines dans une épistémologie représentationniste qui oppose un esprit – dans sa créativité et son action – à un monde matériel. Partant d’objets finis, ce qui intéresse ces théoriciens, c’est la forme vivante et sociale des artefacts, avec une matérialité reléguée à l’arrière-plan.Contre le monde matériel de la théorie sociale, il plaide pour un monde de matériaux, en utilisant la distinction de Gibsonentre milieu, substance et surface. Ce monde en mouvement, en devenir, est la condition de notre croissance en tant qu’êtres vivants (medium), et c’est un monde que nous formons et transformons activement dans nos pratiques d’habitation (substances et surtout surfaces comme zone de mélange entre substances). En bref, il soutient que nous devrions ignorer les ruminations abstraites des philosophes et des théoriciens pour nous engager dans les choses tangibles des artisans et des fabricants

Intérêt pour la recherche Sensibilia

• Le monde des matériaux, précurseur de meshwork, du weather-world, esquisse une ontologie minimaliste d’un monde en mouvement, caractérisé par sa multiplicité. La question n’est pas de savoir ce qu’est un matériau, mais ce qu’il peut faire.
• Ingold décrit une onto-épistémologie située, dans laquelle le sensible est libéré de sa domestication dans l’esprit, dans une subjectivité, pour devenir la base d’un engagement pratique avec le monde, un engagement qui conjugue l’expérience avec expérimentation.
• Met l’accent sur 1) une curiosité empirique pour la façon dont les gens font et défont le monde qui les entoure. Et 2) que le processus de recherche est pas simplement une observation et une collecte de données, mais une participation active au devenir de ces monde.
• Le vocabulaire de Gibson sur le médium, les substances et les surfaces en tant que site de leur mélange résonne avec d’autres dans l’horizon de Sensibilia.

Limites et critiques

En décrivant son “monde des matériaux”, Ingold utilise l’argile, la laine, le cuir, sur les pratiques des potiers et des artistes. Ces pratiques “hands-on”, immédiate avec des matériaux “naturels” démentent un désintérêt romantique pour la vie contemporaine – sa nature médiate, ses matériaux synthétiques, son invisibilité de la vie écologique des matériaux dans les boîtes noires de la production et de la gestion des déchets. Bref, les dimensions sociales, économique et politiques de notre fabrication du social au sein de ce ‘monde de materieux’ sont occulté. Ce désintérêt reproduit le binaire entre l’ingénieur et le bricoleur.

Autres références citées intéressantes

Gibson, J. J. (1979). The ecological approach to visual perception. London: Houghton, Mifflin and Company.

Pels, P. (1998) ‘The Spirit of Matter: On Fetish, Rarity, Fact and Fancy’, pp. 91–121 in Patricia Spyer (ed.) Border Feti-shisms. Material Objects in Unstable Spaces. London & New York: Routledge.

Pye, D.. (1968). The nature and art of workmanship. London : Cambridge University Press

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