A la recherche des écologies territoriales de la métropole grenobloise

Formulation d’une énigme et d’une quête

Grenoble est une ville qui a toujours cultivé une relation de domination avec son environnement naturel. Cette domestication croissante des éléments s’est progressivement traduite par un processus volontaire de pétrification des paysages, de leurs sols et de leurs usages, mais également de mise à distance de leurs éléments les plus caractéristiques (plaines agricoles, rivières, collines et coteaux) rompant ainsi avec la continuité des infrastructures (vertes ou bleues) propres aux territoires d’une ville alpine. A l’heure du changement climatique et du défi environnemental, une question se pose : comment construire un projet de territoire autour de la mise en valeur de ressources communes et partagées susceptibles d’assurer la transition métropolitaine tout en articulant la métropole aux espaces qui lui sont adjacents ? Précisément, l’eau et la pente constituent à Grenoble deux éléments géographiques à la fois fondateurs de l’établissement humain et susceptibles de fédérer (au-delà du seul périmètre métropolitain), mais paradoxalement « invisibles » : ils ne constituent pas des espaces stratégiques au regard du développement urbain, participent peu au récit de la métropole, ne sont pas ou peu présents dans les représentations du quotidien et demeurent finalement confinés (géographiquement, culturellement et socialement) au regard de leurs usages. La fabrique de la résilience métropolitaine peut-elle passer par une reconsidération de ces deux éléments en questionnant leurs usages présents et passés tout comme les modes d’énonciation et les représentations qu’en ont les acteurs engagés dans la mise en projet et la planification de l’espace métropolitain ?

Peut-on voir la métropole grenobloise selon un encastrement d’« écologies singulières » autrement qu’au prisme d’un urbanisme surfacique et aréolaire peu enclin à articuler échelles spatiales, usages et représentations propres aux sociétés urbaines du XXIe siècle ? Peut-on identifier et mobiliser pour la métropole grenobloise des écologies qui convoquent d’un même mouvement les dimensions géographique, environnementale, sociale et économique fondatrices d’une appréhension sensible et culturelle renouvelée du fait métropolitain et, a fortiori, de son projet de territoire ?

Méthode et terrains

Ce chantier veut questionner les « écologies » territoriales de la métropole grenobloise. En d’autres temps, Reyner Banham (1971) nous invita à parcourir Los Angeles selon quatre « écologies » pour mettre en perspective une lecture rétroprospective de la cité de l’extrême. Aucune comparaison avec la ville des anges dans notre idée, mais la volonté d’interroger la métropole grenobloise selon une méthode proche de celle que Banham proposa, chercher les écologies profondes de cette métropole. Pour cela nous faisant l’hypothèse que ces écologies s’incarnent par des dispositifs construits et des politiques territoriales autant que par une dimension sensible dans les cultures, perceptions et actions des habitantes et des acteurs de la fabrique urbaine. Nous faisons une seconde hypothèse, plus méthodologique, à savoir que ce qui incarne ces écologies est repérable, et ceci d’une double façon : par une archéologie autant qu’une actualité des projets de territoire et par une appréhension in situ et une mise en débat de l’existant à travers en particulier l’usage du transect (Tixier 2016). De façon pragmatique, la recherche de ces écologies nous paraît possible en suivant un triple mouvement (Baboulet 2008).

Un premier mouvement qui embrasse large et cherche à caractériser des écologies propres à ce territoire dans l’articulation entre histoire du territoire (sociale, politique et culturelle), formes architecturales et urbaines, et géographie physique (l’eau, la pente, le sol, le climat, etc.).

Un deuxième mouvement, procède à l’inverse et tente de repérer ce qui n’existe qu’à peine, balbutie et donne pourtant à imaginer un demain pour ce territoire. Ainsi nous partirons à la collecte de quelques pratiques individuelles ou collectives naissantes, d’opérations architecturales, urbaines ou agricoles singulières, qui portent en elles une pensée transformatrice du territoire, de ses représentations et modes d’énonciations.

Le troisième mouvement, à l’articulation des deux premiers, explore les changements (climatiques, technologiques, économiques et culturels) rendus possibles par la prise en compte de ce qui se joue à l’échelle mondiale, que ce soit en termes d’organisation sociale ou de gestion des impératifs environnementaux. Il convient alors pour se faire d’interroger leurs promesses autant que leurs limites au regard des spécificités de la métropole grenobloise.

Ancrées dans des pratiques et les perceptions du quotidien, ces écologies sont autant de manières d’être sensible aux espaces dans leurs histoires et leur géographie, que des façons de concevoir les devenirs possibles d’un territoire (dans la tradition des travaux précurseurs d’un Patrick Geddes par exemple). Il nous faut alors témoigner de leurs modes d’existence, en produire des récits et des représentations et en devenir collectivement des avocats (Lapoujade 2017). Un travail filmique est en cours de réalisation avec Naïm Aït Sidhoum (Les films de la Villeneuve) pour tenter d’en rendre compte.

En s’appuyant sur des recherches récentes ou en cours, auxquelles nous contribuons tant côté AAU que côté PACTE, nous interrogerons plus particulièrement trois situations qui nous semblent riches pour tenter de révéler ces écologies : Grenoble ville d’eaux (projet non réalisé, XIXe), Grenoble Bastille (site emblématique XXe et XXIe), Grenoble Presqu’île (nouveau quartier, XXIe).

Bibliographie élémentaire

• Baboulet Luc. La gloire du banal. In R. Banham. Los Angeles. Éd. Parenthèses, 2008. pp. 231-242.
• Lapoujade David. Les existences moindres. Les Éditions de Minuit. 2017
• Banham Reyner. Los Angeles: The Architecture of Four Ecologies. Harper and Row. 1971.
• Tixier Nicolas. Le transect urbain. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement. in S. Barles, N. Blanc (dir.), Écologies urbaines. Sur le terrain. Éd. Economica-Anthropos. 2016. pp. 130-148.

Recherche et projet associés

• POPSU Métropole « Grenoble dans son environnement ou le pari d’une métropole résiliente », sous la direction de Magali Talandier (et de Charles Ambrosino pour l’axe 2)
• « La grande traversée » sous la direction de Franck Huilliard, Consultation internationale Visions prospectives pour le Grand Genève. Habiter la ville-paysage du 21e siècle, Fondation Braillard, Suisse, 2018-2020.

Partenaire professionnels

• AURG
• Grenoble Alpes Métropole
• Ville de Grenoble

Membres du chantier

Charles Ambrosino, Jennifer Buyck, Clément Combettes, Marc Higgin, Damien Masson, Nicolas Tixier (resp.)

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