Découvrir “Écumes sphérologie plurielle”

Lecture présentée par Suzel Balez – 23 février 2021

Peter Sloterdijk, Écumes sphérologie plurielle -Sphères III, Hachette Littératures, 2006. 791 p.

Mots-clés :
explicitation et tonalités profondes ; îles atmosphériques ; hyper-conditionnement ; gâterie

Argument principal

Peter Sloterdijk présente « Écumes » le dernier volet de sa Trilogie des sphères, comme un projet global de « critique de la raison spatiale ». Il s’intéresse à l’atmosphère, à l’air respiré et au climat comme questions essentielles, non seulement pour la philosophie mais aussi pour la politique et l’esthétique.

L’introduction est intitulée « tremblement d’air » et est plus particulièrement consacrée au climat. Sloterdijk y montre comment des procédures atmoterroristes à partir de 1915 au gaz comme instrument génocidaire pendant la seconde guerre mondiale émergent la question du conditionnement de l’air (Air conditioning). Avant l’atmoterrorisme, la relation avec l’atmosphère était non questionnée, donnée et prévisible. L’être-dans-le-monde humain devient, à partir de là, un être-dans-l’air ou être-dans-le-respirable. « Sous l’égide de la menace » qui se renforce encore par la suite avec l’avènement nucléaire, l’air et plus globalement l’environnement deviennent des sujets de préoccupation.

Les 3 « chapitres » de l’ouvrage développent ensuite les thématiques :

• de l’insulation (par exemple Sloterdijk présente la serre somme modèle de lieu conçu au nom du climat qui doit y régner)
• de l’écume dans la conception architecturale et plus généralement dans l’appréhension du monde (comme métaphores et comme systèmes). – du confort (que Sloterdik nomme « gâterie » pour renvoyer à son caractère puéril.)

Intérêt pour la recherche Sensibilia

Cet ouvrage met en perspective les objectifs de Sensibilia en montrant comment ce que Sloterdijk considère comme les 3 spécificités* du 20^e siècle ont rendu explicite la question de l’air que nous respirons et la planète que nous habitons – air qu’auparavant on se bornait à respirer et planète que l’on pouvait habiter dans une relative évidence.

Avec sa théorie de l’écume, « théorie des systèmes affectés d’une co-fraglité » (p.34) Sloterdijk entend montrer l’importance du fragile, ténu et processuel et comment, dans certaines conditions ils peuvent engendrer de la créativité. * 1- l’émergence du terrorisme (en particulier ce qu’il nomme atmo-terrorisme), 2- le design industriel comme concept et 3- l’émergence d’une pensée de l’environnement.

Limites et critiques

Si la métaphore de l’écume présente de nombreux intérêts pour structurer une pensée :

• en systèmes, non par des liens mais par des « surfaces de contact » à partir des lois de géométrie des écumes ;
• en dynamiques processuelles intégrant fragilité et chaos orienté ;

Quand Sloterdijk interroge les conditions dans lesquelles cette métaphore peut être fertile, relativement aux matérialités du monde (leur substance, disent les philosophes) il fait parfois des contre-interprétations architecturales. Il y a là un paradoxe – quasi-inconsistance de l’écume / substances du monde, qui reste à considérer. Il souligne aussi que parce que la conception (d’objets et d’espaces) opère en mettant en œuvre de la mesure, elle « commence à un degré de modernité supérieur que la phénoménologie » qui resterait limitée aux sensations. Or les approches par l’ambiance cherchent justement à considérer un tout à la fois – partiellement – mesurable et – partiellement – sensiblement interprétable…

Autres références citées intéressantes

Abri antiatomique, installation de Guillaume Bijl, Liège 1985

Magdalena Jetelova, Atlantic Wall, 1994-1995

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