Au milieu de l’air : une journée de respiration en partage

Le 8 octobre 2021 une quinzaine de membres de SENSIBILIA se retrouve à la tourbière du Peuil, un espace naturel sensible qui surplombe la commune de Claix, à 1000 mètres d’altitude en bordure du Vercors. La ville de Grenoble toute proche ne se manifeste que par son bourdon lointain.

Comment donner de l’importance à l’expérience ordinaire de la respiration ? Le matin, Estelle Maygnan – membre de Nouveau Voyage et de la Fédération francophone des guides en sylvothérapie – propose un éveil des sens, une exploration sensorielle de la forêt, tandis que l’après-midi est consacré au jeu des respirs, une découverte ludique d’anecdotes traitant de la respiration.

Cette journée propose d’expérimenter collectivement des manières d’entrer en respiration avec un milieu ambiant et une exploration du champ des possibles en la matière.

Eveil des sens : de la mise en condition

Une des questions qui se pose dès lors que l’on cherche à expérimenter de nouveaux modes de disponibilité aux milieux ambiants est celle de la mise en condition de l’expérience. Quels exercices pratiques sont-ils susceptibles d’ouvrir des accordages originaux aux situations atmosphériques ? Quelles techniques du corps mettre en oeuvre ? La matinée consistait à explorer ensemble une diversité de propositions ancrées dans le terrain et l’écologie du site.

Après s’être légèrement éloignés du parking, sur une pente herbeuse en lisière de forêt, nous avons débuté la journée en un cercle de respiration et d’éveil des sens. Quand nous sommes ensuite montés vers la forêt, nous avions pour consigne de ne pas bavarder. Chacun de nous a pu alors expérimenter individuellement et en silence une lente marche les yeux mi-clos (« avec des yeux de chouette »), des explorations tactiles du sol, une écoute du corps immobile ou en mouvement, un sentiment de ralentissement et de relâchement… Le groupe s’est ensuite dispersé pour une quinzaine de minutes en forêt. Beaucoup d’entre nous ont alors fait une expérience de dilatation ou de compression temporelle, expression peut être d’une imprégnation à l’instant et au milieu ambiant, ce dernier étant inscrit dans une dynamique temporelle sensiblement différente de celle vécue habituellement. Une autre forme de perte de repères nous attendait un peu plus loin, sur la crête marquant le seuil de la tourbière : la marche en aveugle, après ces différentes phases d’éveil, a pris une saveur un peu inhabituelle pour ceux qui la pratiquent régulièrement au moins comme exercice pédagogique. Textures fraîches et rêches, froid des troncs, humidité du sol souple, froissement des feuilles, variations de température… L’expérience tactile s’est poursuivie… pour devenir sonore quand le groupe, plongé dans un dernier exercice de respiration collective, a partagé un « chant » murmuré, modulé et soufflé. Est venu ensuite un moment d’échanges, initié par la composition et la lecture d’haïkus écrits à l’instant par chacune et chacun, et constituant autant de petites inspirations.

Lors de ce temps en forêt, la respiration a constitué un moyen de nous accorder et de nous synchroniser au milieu ambiant, d’accéder à un « état autre », pour chacun de nos sens et aussi vis-à-vis des rapports que nous entretenons, individuellement et collectivement, à chacun d’eux. Pris comme nous l’étions entre la nécessité de respirer et l’oubli de celle-ci – donnant accès à une perte de la notion du temps – ces différentes expériences nous on fait ralentir… flotter… pour se poser dans un espace de monologue avec soi-même, dans une qualité de silence nous donnant simultanément un accès privilégié au lieu et au milieu dans lequel nous nous trouvions.

Jeu des respirs : de la mise en relation

L’après-midi a été consacré au Jeu des respirs. Il se présente sous la forme d’une centaine de cartes (au format A5). Chacune d’elles comporte une anecdote relative à la respiration. Une partie de cartes consiste à constituer des familles, selon les sensibilités et les interprétations des joueurs. Ce jeu d’assemblage par air de famille consiste à proposer des circulations, des liens, des parentés qui permettent de naviguer d’un archipel d’anecdotes à l’autre, de tenter de comprendre comment les anecdotes et les expériences se relient les unes aux autres. Grâce au mode ludique, la dénomination devient aussi une poétisation des familles constituées.

Le jeu des respirs

Un jeu d’une centaine de cartes retournées sur une table. Sur chaque carte est inscrite une anecdote ayant trait à la respiration. Les cartes sont retournées de manière à ce qu’on ne puisse pas lire les anecdotes. Un groupe de personnes (environ 4 à 8) est assis autour de la table où sont posées les cartes.
Chacun pioche 7 cartes et les lit en silence.
L’objectif est de proposer une famille d’au moins 3 anecdotes (ou plus), qui ont un air de famille d’une manière ou d’une autre, et dont on peut mettre en discussion cette famille.
Les cartes de la famille sont posées ensemble sur la table, de façon à ce qu’on puisse les lire. Dans la poursuite du jeu, on peut reprendre une carte de la famille pour en faire une autre.
Dès que quelqu’un a fait une famille, il annonce un « grand souffle », donne à lire les anecdotes de la famille, lui donne un nom, et met en discussion sa proposition.
Une fois la discussion terminée (qui peut durer une dizaine de minutes), et si personne ne propose un autre grand souffle, chacun « expire », repose sur la table certaines cartes de son jeu, cette fois-ci lisibles par tous (on peut en reposer autant que l’on veut), puis « inspire » en piochant autant de cartes qu’il en a laissé, chacun a ainsi 7 cartes dans son jeu, c’est alors le moment de l’inspiration !
On continue la partie en respirant…à la recherche d’autres grands souffles !

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